17 mars 2014

Au 35, numéro du bonheur.

La vie en avant, le nez dans le cosmos, les pieds dans les poèmes de Michaux, les doigts pleins de sucre, de confiture, de pollen et de délicatesse. Mon corps se joue de nous. La peau ondoyant comme la surface plane d'un lac, des cercles irisés se dessinent contre mes genoux, bleus, violets, je me cogne anormalement. Lorsqu'on vit les yeux rivés sur autre chose, un autre espace, forcément, on se heurte aux tables basses, aux chaises, aux bibliothèques, aux banc, aux gens, au temps. Dis, même avec des circonvolutions de sang cristallisées sous l'épiderme, tu m'aimes?

13 mars 2014

"La souffrance de savoir que tu en as aimé un autre avant moi..."

Comme c'est douloureux de l'entendre refaire mon histoire comme cela, doucement, sans intention de nuire. S'il savait toute la peur que ces propos trainent avec eux, derrière moi, quelle marée noire de mélancolie s'achemine vers moi quand il me dit simplement "oui, tu donnes tout. tu es dans une telle dévotion de toi, sans cesse, avec moi, je suis touché". 
Cette phrase me fait l'effet d'une claque, d'un pincement long et continu qui laisse une douleur rougeaude sur la main. Voilà le cauchemar de ce que je suis, le don de soi. Je devrais savoir qu'il n'est pas accepté, pas correct, pas adulte, pas raisonnable de se donner de cette façon, sans compromis aux autres, sans exigence, presque pour le simple plaisir de se donner là, sur le seuil de la beauté, de la vie et de sa douleur lancinante. Je fixe l'étendue blanche de mon assiette, je baisse la tête, oui, me voilà honteuse d'être comme je suis, de si mal aimer, de si mal donner aux gens qui m'approchent, ceux qui restent. "Est-ce que tu penses que je ne peux plus rien t'apporter si je t'ai 'déjà tout donné' ?" Je n'aime pas quand tu me dis ça. J'ai peur. Peur de pleurer, d'être forte, de me braquer ou de me borner à rester moi. Je donne autant pour que l'on me donne aussi. Pourquoi les gens se refusent à moi? Evidemment, pourquoi donner lorsque quelqu'un vous donne tout sans oser exiger quoi que ce soit? Pourquoi rester au fond?

Je vais me retirer dans ma grotte, ah ma vieille grotte, je t'avais délaissée pour aller voir le monde de dehors, celui du soleil. Mais ici, même le soleil est froid. Je reviens vers toi, me terrer dans ma solitude littéraire. Je n'aime plus bronzer. Je n'aime plus cuire sous la chaleur du printemps et de l'été, je veux du vent frais, des frissons de fin de journée... Je l'aime mais lui, m'aime-t-il ? Aujourd'hui cela fait trois mois piles. 

10 mars 2014

Un mois de plus dans la paresse...

La paresse pas tant que ça, juste l'envie d'être dans ma vie, dans des actes, des mouvements, des rires, de profiter du soleil qui s'achemine doucement vers Paris m'amenant à somnoler sur son épaule comme une évidence cette épaule désormais. Ces lèvres fraîches qui caressent mon front. Je suis heureuse. Alors je me contente paresseusement de vivre je l'avoue; je travaille, je lis, j'en oublie de reprendre mon roman, il attendra bien l'été et mes départs pour l'étranger (le Portugal et l'Irlande de prévus), je l'embrasse partout, tout le temps, je chante, je ris, je pense à mon mémoire qu'il faudra écrire (ce sera Breton je pense qui finalement emportera mon coeur et mon temps pour deux années...). Je vis. Je goûte. Je mincis parce que je cours tous les matins, parce que je veux qu'il continue de me regarder avec des yeux gourmands, amoureux; parce que je veux lui plaire, me plaire, me voir tournoyer en robe ce printemps et cet été en abordant le corps qui me va, qui me donne envie. Je reprends les répétitions vendredi. Quelle joie, quel bonheur, ces mots à apprendre de nouveau, les planches qui craquent, les journées passées à répéter dans la pénombre du studio de répétition, l'excitation de les revoir dans les gradins... Alors un mois de plus dans la paresse, mais celle qui nage vers l'avenir, dans l'embrasure des portes, le bouillonnement de ma tête.

30 janvier 2014

Mise en bouche.

Je trace sur ton torse des lignes incandescentes du bout de mes doigts, sillons maintes fois foulés, mille fois réinventés, à l'infini de la création; je me laisse onduler au gré des contours frémissants de ce corps. Tu réchauffes mes nuits de la chaleur de ta bouche, tu colores mes jours de l'arrêt de toutes les temporalités, il n'est déjà plus à prouver que le bonheur a remplacé mes os blancs, poreux; mon homme.
Je me dis qu'il faudrait tout écrire, tout noter, tout consigner, en garder des boîtes entières de vie à revivre, des carnets de lignes à décrypter. Mais je sens que ma mémoire conservera tout, toujours, je sens que mon esprit se gorge sans déborder de toi de nous de ça de... 

Avançons, construisons, pas à pas, peu à peu, mais regardons droit mon amour.
Regardons l'horizon de la mer qui n'attend que nous.

- Pourquoi tu ris?
- Parce que c'est le paradis ce que tu me dis!

25 janvier 2014

L'éternelle litanie des feuilles mortes dans le vent.

Quel est mon héritage ? Que me laisserez-vous ? 
Comme la lourdeur d'un héritage, l'éternelle remontrance des sages, les baisers d'amants de passage, les discussions pleines de rage, la difficulté de fouler une plage. Comme la légèreté de la chair et du sang, l'illusion des amours lactescents, le départ de grand-père dans l'horreur des camps, le gout de la foudre sous la langue entre les dents, comme le bonheur d'avoir éternellement vingt ans. Ce n'est pas ma faute cette passation du désert, si je vois la vie à l'envers, si j'aime les gens à me perdre dans un verre, si je marche pieds nus dans la terre et me baigne habillée dans la mer.

Je ne me suis jamais posée pour t'écrire une seule seconde, décrire les traits de ton visage ou les innombrables grains de beauté que l'on a peint dans ton dos sans te le dire, que tu nous as légué à nous, tes enfants. Je ne me suis jamais arrêtée sur ton regard ou ton histoire, sur mon héritage puisqu'il faut le dire, puisqu'il faut rétablir la vérité sur notre lien, notre sang partagé, notre carnation imprimée par le soleil l'été ou la neige l'hiver, puisqu'il faut admettre que depuis toujours les gens, les passants, les amis ne cessent de s'écrier que je suis ton "portrait craché". 
Je ne suis pas toi, parce que tu es grand du haut de ton mètre quatre-vingt-trois affleurant le monde depuis ta hauteur, ta tour d'écailles; parce que tu es colérique, impressionnant quand tes traits se contractent, se crispent, s'irritent et se mettent à jaillir sur tes victimes, du haut de ta violence imméritée, resplendissante d'inutilité et de gravité; du long de mon indolence je n'atteins plus tes colères pourtant transmises à une période. Je voulais faire peur, que l'on me craigne comme je te craignais, comme je craignais de me recroqueviller pour ne pas que tu profites de ma faiblesse, de mes pleurs, pour que tu croies que les cris, les représailles me glissaient dessus, moi transformée en oeuf, en coquille vide. Je suis consternée en pensant à tes talents, des doigts d'or faisant du crayon une symphonie, une envolée brillante, lorsque l'aquarelle perçait tes yeux et éclaircissait le papier jusqu'à s'accorder à ta vision du monde. Je suis pantelante en imaginant cet amour qui un jour te fit prendre la décision de créer, de façonner un enfant puis un deuxième, bien que le second ait été malgré ta volonté; quand je me remémore tes pleurs brûlant la soie de tes jours, ta barbe noire des jours de retard, d'urgence, de départs annoncés, de maladie, de tristesse. Je me sens incapable de penser à toi comme à un homme maintenant que ton visage m'échappe, que j'ignore tout de toi jusqu'au nombre de tes cheveux gris, jusqu'à ta profession, jusqu'à ta vie de demain. 

Moi non plus je n'ai pas fait beaucoup d'efforts pour te rattraper. Je n'avais plus la force, plus l'envie ni le courage, je courrais en sens inverse contre le vent qui se lève pour vivre, je regardais mes pieds effrayée par le monde. Si bien que j'ai cessé de t'aimer sans cesser de souffrir, papa.

22 janvier 2014

Rue des Thermopyles.

Je t'aime. Comme jamais je n'ai aimé de ma vie.
Je t'aime mon soleil. Oui, j'en suis sure, je le sais.
Mais comment te le dire? Comment oser?
J'ai peur. Pourtant je frémis.
Je t'aime. A l'infini. A l'infini.
Je suis en harmonie. Avec toi.
Mon amour. Le soleil de mes nuits.

16 janvier 2014

I think there's something, baby

Les deux pieds joints il est debout, le regard droit, tranchant, qui me transperce de part en part. Il est là, posément à me regarder les sourcils qui ne sourient pas mais qui implorent, qui supplient. Il est à moitié nu devant moi maintenant je le distingue dans la pénombre de la chambre dont j'ai entrouvert la porte. Il est comme un enfant surpris à voler des friandises qu'il lorgnait depuis des semaines, comme un enfant étonné de voir qu'on ne le gronde pas, que l'on reste nous aussi les pieds joints, ancrés dans le sol et la main appuyée contre le chambranle de la porte. Il s'étonne de ne pas entendre ma voix qui tonne, crie, insulte, incendie; il est déçu de ne pas supporter les coups de mon désespoir incendiaire. Je le vois dans ses yeux, dans cette clarté - dûe à la lumière ou non - qui m'éclabousse. Faut-il bouger? Faut-il partir la tête haute? 
Une curiosité malsaine, cruelle et douloureuse m'envahit, celle de se griffer soi-même jusqu'au sang, de se regarder souffrir et saigner mais de se sentir libérer cependant; je l'écarte légèrement du revers de ma main et je la vois. Elle. Cette petite fille, cette femme, cette traînée qui rampe dans le lit reculée au fin fond d'un noir inexistant. Elle n'est pas craintive au contraire son regard se fixe au mien, insolent. Indécente elle m'observe à son tour me mouvoir puis cesser tout mouvement, elle attend que ce soit moi qui relâche l'attention. 
Je souris en baissant les yeux, reprend mon souffle, la gifle si fort que son joli nez saigne et tâche les draps. 
Le sang présent sur ma main est chaud, gluant, répugnant. Avant de sortir je m'en débarrasse sur son torse; tiens lui dis-je, garde ça en souvenir. 

L'oreiller est froid lorsque ma main s'y agrippe. Mes yeux trempés par ce mauvais rêve se rassérènent en devinant les lignes de son visage, son regard perdu dans les brumes oniriques. Comme averti de mon sursaut, de mes pensées nocturnes et ravageuses il se tourne et m'enlace en gardant le sommeil. Sa douce odeur de sucre, d'amandes effilées, de soleil, de fleurs en plein été; sa peau colorée, merveilleux métissage mon amour donnant lieu à ton corps étendu sous mes paumes.