27 mai 2013

L'attrape-coeurs.

Hier c'était la scène, le combat, l'angoisse, le trac, l'excitation, le bouillonnement. Hier pendant cinquante minutes nous avons été une troupe sur une scène de théâtre. Et cette année les gens qui m'entourent étaient présents. Je l'ai vu entrer parmi les premiers. Un pull rouge qui ne laisse pas planer le moindre doute quant à son identité et à la place qu'il choisit. Il s’assoit au centre, là où sa couleur me parvient le mieux. Mon cœur tremble, palpite, il crépite même quand nous commençons à parler. Je sens sa présence, son regard comme ceux des autres qui sont tournés vers moi quand je clame mon texte; pourtant c'est comme s'il était le seul à me regarder: je perds la notion de mon propre corps. Il croise furtivement ma mère et mon frère, mes amis; et je le vois rougir, se transformer en enfant et perdre à son tour ses moyens. Il n'a plus aucune légitimité à les rencontrer alors je le nomme comme un simple "collègue de travail". C'est bien ce que nous sommes non?
Je crois que la pièce lui a plu. Bien qu'il prétende avoir dormi pour ne pas me voir, je pense qu'il a pu me découvrir autrement. Je ne sais pas ce que cela a pu changer dans sa vision de moi, sans doute pas grand chose; mais toujours est-il que je suis fière de ce projet que j'ai porté un peu. Je suis immensément fière d'avoir pu montrer ce que je fais, et d'avoir pu me mettre à nu devant eux en dévoilant mon personnage et le texte qui allait avec. 

17 mai 2013

Moonrise Kingdom.

Je suis pour l'écriture totale de la détresse. Méticuleusement, noter tous ces détails, les moindres secousses d'émotions qui me rappellent à des bribes d'humanité. En disséquant on finit par détruire; il faut donc en passer par l'établissement de ce qui est, de ce que l'on croit ressentir pour cesser d'y penser enfin un jour. Oublier son visage, sa voix, son magnétisme. Oublier ce que je ressens comme un séisme extraordinaire dans la cage thoracique. Et je ne peux raisonnablement éloigner l'écriture de ce rituel de retour à la vie.

12 mai 2013

La distance du félin.

Ça ne faisait que deux semaines et j'y croyais comme une invincible. Je demeurais convaincue d'être à ma place. Et des questions ont pris possession de lui, ont tout détruit en un coup d’œil sarcastique. "Comment fera-t-on lorsque dans deux ans je voudrais des enfants et toi non?". J'avais beau m’époumoner à répéter que ces interrogations n'étaient pas d'actualité -que ce soit avec moi ou une femme de son âge- rien n'y faisait. Ce paradoxe qui consiste à se poser ces questions parce que je prends de l'importance dans sa vie, parce qu'il craint de s'attacher à moi et en même temps qui ne font que nous éloigner. Que répondre une fois qu'on a dit ce qu'on était prêt à faire? Que dire de plus sans donner l'impression de vouloir convaincre à tout prix? Je refuse de me taire, parce qu'à ce moment le silence est une mise à mort, une sentence. L'entendre parler même maladroitement c'est savoir que son choix reste indécis, que sa décision n'est pas encore fixée, que tout reste possible. Je n'aurais voulu quitter la pelouse de ce parc sous aucun prétexte, rester là devenait essentiel parce qu'en sortant nous savions que nous retournerions à nos vies et non plus à notre vie. Il se sent coupable d'une décision qu'il est pourtant sage de prendre. Et de l'autre côté de ma tête je m'obstine à me dire que je vais recevoir un coup de fil, entendre sa voix me dire "Je suis un sale con, je sais que j'ai fait une erreur. Je veux être avec toi et affronter tout ce qui va peut être nous attendre, je prends le risque parce que tu es le risque le plus beau que me présente la vie." Mais je sais qu'il ne dira rien de tout ça. Qu'il continuera de me prendre dans ses bras comme sur le trottoir qui vomit la chaleur du jour, à écouter un homme jouer d la trompette à notre gauche, de me prendre dans ses bras comme pour dire adieu à notre histoire de façon douce, à reculons, élégamment. Nos nez s'embrassent quand nos bouches ne le peuvent plus. Je respire sa peau que je ne caresserai plus, je m'accroche à son dos qui ne connaitra plus nos étreintes, nos corps se fondent l'un dans l'autre mais sans autre but que celui d'un au revoir. Et je sens l'impulsion de son cœur, celle de sa main dans mes cheveux, traînant dans mon cou. Je le sens et ça m'assassine. Quand je me retourne dans l'espoir de m'en aller la tête haute, je fonce me réfugier dans le premier magasin à ma portée. J'entre pour acheter du vin et la radio grésille un "You belong with me, I belong with you". Et c'est trop à supporter alors je m'effondre là, ici, maintenant au milieu de l'allée centrale. Sans aucune pudeur, sans conscience de ce monde qui ne tourne plus au ralenti, sans apercevoir ceux qui m'observent sans m'aider. Je m'effondre littéralement parce que je suffoque en comprenant que je viens de te laisser mon corps et mon cœur et que tu les as refusé poliment. Sans force ni haine, uniquement avec des regrets et des remords. Le soir venu je me saoule, je bois du vin à la paille comme les filles que je déteste qui ne cherchent qu'à se sentir ivre plus vite. Mais ce soir c'est un enjeu primordial, d'oublier, de me casser, d'entendre mon corps plier pour éviter d'imaginer ce à quoi aurait ressemblé ma soirée avec toi. Au lieu de savoir que j'aurais pu te sentir, te toucher, t'embrasser, te parler, t'entendre me raconter des anecdotes, me laisser aller et ployer sous ta douceur j'ai préféré boire. Ne pas faire l'amour avec toi me manque. Te revoir vendredi soir, rentrer avec toi et t'entendre me dire "envoie moi un message quand tu arrives pour me dire que tu es bien rentrée", subir un baiser long comme l'été sur la pommette alors que je pense maladivement à tes lèvres, recevoir ensuite un message disant "C'est vraiment chouette que tu sois venue ce soir, ça m'a fait très plaisir que tu sois là, que tu me vois jouer. Et te voir simplement m'a aussi fait plaisir".
Oui c'est difficile parce que je ressens comme une impossibilité à voir cette histoire complètement terminée, comme si tu allais revenir -quand je l'ignore mais c'est une sorte de certitude-, de savoir que nous baignons dans une relation entre le couple et l'amitié, emplie de sensualité, de tendresse, de respect et de rires ça me blesse parce que tu aurais pu y croire. Il aurait suffit que tu ais le même courage que moi. J'aurais tout abandonné si tu me l'avais demandé, je serai restée au lieu de partir une année, mon rêve aurait été toi, mon seul souffle le tien, j'aurais été rythmée par l'amour que l'on se portait. Mais tout ça n'a plus lieu d'être je suppose. Et ma seule peur grandissante est de penser que tu vas rencontrer une femme et faire ta vie avec, ma seule peur c'est celle-ci.