Je t'emmène faire le tour de ma drôle de vie... J'ai des idées dans la tête et je fais ce que j'ai envie...
Évidemment
sous la moiteur d'hier la musique coulait à flot, l'alcool résonnait
partout dans les rues, à moins que ce n'ai été l'inverse; ma tête ne
s'en souvient pas. Nous avons bu un peu dans la salle de convivialité,
pour nous échauffer, sur quelques notes de muscadet. Puis nous avons
marché, à mes cotés il y a T. qui est fort sympathique d'ailleurs, nous
rions, nous parlons vraiment. Et débarque B. qui nous rejoint, je l'aime
vraiment bien ce grand nounours sous son manteau de répartie et de
boutades bien placées. Il me prend sous son aile et ça me réconforte.
Nous dansons et nous nous embrassons sur les bouches, tous ensemble
comme une sacré ronde de chaises musicales, riant de ces mascarades
amicales. Je deviens enfin autre sous le regard flou de la pleine lune,
elle m'observe celle-ci l’œil rieur. Mes épaules sont emportées par son
bras et puis par la musique, qu'est ce qu'on peut en avoir à faire après
tout c'est la fête de la musique jour de débauche organisée et tolérée.
Alors je danse je laisse mon corps s'en aller au plus loin, m'emporter
par dessus les berges du canal St-Martin, et ils rient de me voir dans
un tel état -ils finiront bien par s'habituer- et je suis là ancrée dans
le ciel dans chaque parcelle d'étoiles qui nous chaperonnent je
tournoie je tournoie. Ils me glissent leurs mains brûlantes sur les
hanches pour décomposer mes mouvements, mes saccades sensuelles sont
devenues. Je les intrigue par ce changement qui n'est que nous -la
pluralité de "je" dont je suis la détentrice- ils me surveillent et
m'embrassent encore. Enfin de l'affection, de l'intérêt, ils me
préfèrent à d'autres, à toutes ces belles inconnues même si ce n'est que
fugace et fugitif comme instant. Je deviens cette prédatrice, cette
tentatrice tant de mois attendue et désirée qui se cachait au fond de ma
salle de bain à se déhancher sur des chansons de midinette. Pour une
cigarette un peu d'affection. Un baiser oui mais avec la langue qui
trébuche et les yeux qui grands ouverts nous regardent. Aucun souci,
nous acceptons, je n'ai plus rien à perdre ou à prouver, je sais qui je
suis, si cela vous échappe tant pis pour vous.
Et
P. qui fuit, parce que devant son ultimatum j'ai répondu que je ne
voulais que ça, cette décadence maitrisée, ce chevauchement des instants
sans concession d'amour pur. Il n'a pas compris, mais il n'est pas pour
moi, il est trop lisse alors dans une autre vie sans doute. Si je
n'avais pas eu ma vie nous aurions été un couple parfait, de ceux qui
font rêver les publicités, mais j'ai eu ma vie, et lui la sienne ce qui
nous sépare dramatiquement.
Dans
la voiture qui nous ramène chez L. -chez elle- je m'effondre sans
savoir pourquoi. En sachant un peu laisser couler les torrents de larmes
qui sont devenus des eaux stagnantes depuis des semaines. A l'arrière
je grelotte tranquillement, fatiguée épuisée de tant de cinéma, de tant
d'armure, d'avoir été forte sans pouvoir à mon tour m'effondrer, non il
fallait que je sois le sourire et le soleil de leurs vies alors je n'ai
pas craqué une seule seconde. Maintenant c'est mon tour et les vannes
sont cassées, elle laissent exploser mes yeux en des millions de larmes
tranchantes. Heureusement il y a B. qui me tient au creux de ses bras
immenses immenses qui font le tour de mon corps et qui caresse mes
cheveux.
Mais le moment de sortir de la voiture arrive et tous me surprennent sans comprendre mais pourquoi pleure-t-elle? Que s'est-il passé? Rien elle pleure comme ça d'un coup, un peu étrange. Pendant
deux heures ce sera frénétique. Cachée dans la salle de bain bientôt A.
vient me trouver, il me déniche et me sort de ma cachette et prononçant
de sa voix rauque d'ami des mots qui calment, des mots qui adoucissent
sans détruire, qui s'acharnent à reconstruire un bout de ma cage
thoracique. Mes yeux se noient. Mais la vie me rattrape, L. est malade
elle menace de vomir alors je m'oublie encore un peu et vole à son
secours je ne sais faire que ça. Je ne suis bonne qu'à ça, gérer les
autres. Tout ça finit dans un appartement sombre, L. s'est endormie
trempée et navrée, me laissant épuisée et vidée sur le bord du lit à
regarder avec le peu de regard que je conserve le sol en PVC, me
laissant seule dans le noir avec P. le seul survivant du massacre qui me
borde et qui pendant une demie heure me garde contre lui et guette mon
sommeil fiévreux.
Bonne fête de la musique : oui bonne orgie à vous aussi, rendez-vous l'année prochaine.