6 novembre 2013

Le jour où l'on ne m'a plus reconnue.

Un article sur Rue89 et je déchante. Il serait ce "quelqu'un", ce personne que je côtoie, cet inconnu presque invisible qui chevauche mes nuits. Ne serait-ce pas plutôt mon rôle? Ma place, celle de la fourvoyée, de la trahie, foudroyée par tant de peine? Si je venais à partir pour de bon, ce serait comme si je n'avais jamais été là. Une autre prendrait sans doute ma place. Une jeune femme aux cheveux bouclés comme moi, comme les précédentes, comme les suivantes. Serait-ce le désir même qui me dépossède de ce que je suis, qui le fait m'aimer dans une étincelle comme une ombre, une n'importe-qui? C'est triste, vide. Nous ne perdons rien, excepté nous.

Nous touchons au gouffre. L'article parle de trentenaires et la tête me tourne au dernier rang de cet amphithéâtre, les yeux me brûlent et je refuse pourtant de les fermer, contractant les mâchoires. Je ne suis jamais aussi belle que lorsque je suis anonyme. Ses bras enserrent ma taille dans le soir, mais déjà sans doute oublie-t-il que je suis là, moi au prénom doux, aux yeux en amandes, au sourire facile. 

Sais-tu seulement que c'est moi?

Pourtant depuis des mois il n'y a plus que moi dans sa vie. Je vogue à la conquête d'autres, jouant à ne l'observer que du coin de l'oeil, discrètement, refusant de revenir si vite. Je sais qu'il attend que ma lassitude prenne le dessus, que je retourne le passé, le déterre, le foule et que je hurle devant tant de choses à recommencer. Je suis une proie facile lorsque je sais qu'il est mien. Tu mens si bien mon amour. Tu feins si parfaitement de te moquer de tout sauf de moi durant quelques instants. J'ai cru que le vent tournait cette nuit-là. 

"Comment tu vois ta vie d'ici dix ans?"

Je rétorque en riant que tu dors et que ma réponse ne t'intéresse pas. Au fond j'ignore simplement pourquoi tu me poses une telle question. Et j'ai peur, pour la première fois, c'est si inhabituel que tu en poses de telles... Je reste muette, regardant au fond de tes yeux fermés. 

"Joyeuse. Pleine de rires. C'est tout ce que j'espère."

Dans dix ans, je mens, j'aimerai que tu sois là. Sauve-moi.

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