22 novembre 2013

J-3 : C'est érotique? Non c'est le quotidien.

Il est seul à m'avoir de cette façon. A pouvoir disposer de moi dans n'importe lequel des jours qui arrive, dans tous les lieux qu'il souhaitera conquérir, qu'il m'autorisera à partager. Il est loin de se douter de la ferveur de mon amour, de la folie de mon obsession, de la grandeur de mon non-sens. Il est loin de savoir et encore heureux qu'il ne puisse pas en mesurer l'indécence, sinon il crierait sur tous les toits que je suis folle à lier, à attacher, à kidnapper, à enfermer. Qu'il faudrait m'éloigner du genre humain pour vouloir trop aimer à tour de bras sans aucun tri que celui de l'attirance ingérable pour un autre corps, une autre existence. J'aime au point de me perdre dans cette autre vie, pas au sens figuré, au sens propre. Je suis capable de rester des jours dans son existence sans toucher à la mienne, sans y mettre la pointe de mon pied ou le début de ma pensée, je suis capable de m'éloigner à ce point de moi et de ma survie pour un autre que j'aime, que les gens m'oublient. 
Il court sous la pluie de novembre, dans la bourrasque d'un vent, il court dans Paris comme un sourd, comme un malade, comme un homme qui n'aurait peur de rien. Il croule sous les peurs quoi qu'il en dise. Je crois pouvoir me dire qu'il n'aura jamais d'enfant. Je réalise que c'est un homme loin de ma vie d'étudiante, loin de mes soucis de voyages en solitaire, de mes romans amoureux fait pour exorciser la peine, je réalise qu'il pourrait être comme ces hommes invisibles et passe-partout en costume dans le métro. Je réalise soudain que c'est un homme, un adulte, et que je ne suis qu'une enfant, une minuscule jeune fille. Cette fois c'est à moi que l'ivresse joue des tours, que la clairvoyance apparaît cruellement. Avec plus de six mois de retard je comprends pourquoi il dit tout ça, dans ce parc, dans cette lumière, sur ce trottoir. Je le comprends et crois ne pas me reconnaître lorsque je commence à penser la même chose confuse et entremêlée que lui : nos vies ne sont pas compatibles. Elles ne sont pas en adéquation et ne le seront jamais, seulement voilà tout le secret des rencontres humaines, de l'aléatoire : nous sommes irrésistiblement en connivence pendant de courts instants. Chaque séparation n'est bonne qu'à donner des retrouvailles encore meilleures. C'est la rengaine d'automne de ton nom inoubliable bientôt surmontable malgré les apparences ; c'est la rengaine, la balade d'un début d'hiver qui s'accroche avant de s'installer, de fondre sur nous et de brûler nos joues sans sommation ; c'est la rengaine des derniers mois dont personne ne parle car ils ne sont pas assez séduisants, ces mois qui apportent leur réconfort, leur petit changement, sans grandes idées derrière, juste la vie qui court et brûle dans mes veines sous ma peau blanche et nettement moins rugueuse ; c'est ton nom qui continue de courir mais pour des raisons différentes, qui continue de courir pour l'orgasme associé, pour la jouissance accordée, l'oubli de soi en un autre que soi justement, dans ces chaudes caresses, ces chauds baisers, brûlants cris acoustiques de la mutuelle bienveillance. Il n'y a qu'à cela que tu sers dans ma vie, il n'y a qu'à cela que tu es bon et que tu le resteras sans comparaisons. Tu n'es bon qu'à me faire l'amour sans amour. Tu n'es bon qu'à me faire la passion sans sentiments, sans troubles à l'âme. La passion construite de tout pièce, inventée pour nous dans le temps de cette chambre, cette fureur du plaisir imaginée par toi, voulue par moi, confondue pour nous, concrétisée au travers de nos corps inséparables pour des motifs sombres ou bien trop triviaux pour être annoncés. La cruauté de la réalité qui nous est intrinsèque, l'horreur de cette absence de quelque chose, d'autre chose, d'exotisme, d'aventure, de miracle. Nous sommes à ce point pauvres de tout toi et moi, sans être de la même vie ou du même moment, nous sommes abrutis par tant d'autres gens, d'autres soucis, appauvris par tant de combats et de non-réactions, d'immobilité. Abasourdis de comprendre que le désir s'avère être la seule sensation sans fin possible, sans terme possible, sans altération. Entre nous le désir entrouvert ne se referme jamais, crevasse béante et sans fond où nous avons plongé sans savoir, sans entrevoir, sans comprendre pourquoi. Le jour où le désir d'un de nous deux se reportera sur une autre personne, sera digne d'autre chose de plus riche nous mourrons l'un dans l'autre une dernière fois. Dans une déchirure sans précédent et sans autre sens que la mort du désir nous nous posséderons si fort que nous ne pourrons oublier le moindre détail, ce sera intolérable et puissant, invivable au futur comme au présent. Ce sera avec la peau qui saigne, les chairs à fleur de surface, les doigts en sueur, le cœur plus gros qu'une caisse de batterie, ce sera avec les cheveux arrachés, le dos pleins d'ecchymoses, le ventre nourri de vide depuis l'intérieur. Ce sera avec tes yeux révoltés plongés dans mes yeux dévastés, pleins de larmes de rage et d'impuissance mêlés. Ce sera beau de violence, tonitruant de douleur, parce que le désir ne se créer et ne s'anéantit que dans la plus parfaite intolérance.

Je t'aime. Et je continuerai de t'aimer partout où la vie nous apposera. Dans le déni, la colère ou l'absence, la puissance de cette beauté, le parfait plaisir de la première fois restera imprimé, pyrogravé dans mon épiderme. Toi, toi, toi dont l'existence me rend folle.

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