16 janvier 2013

Parce qu'il faut bien commencer...

Je suis assise devant mon café froid depuis quelques heures. J'observe d'un œil gourmand le monde évoluant à mes côtés. Alors que sur mon ordinateur, la barre verticale clignote sur une page résolument blanche, je vois se remplir devant moi des tickets pris au verso. 3 tickets de restaurants où j'ai laissé glisser mon stylo -presque par mégarde- ce sera donc ça pour débuter. Je pense à J. que je vais rencontrer dans quelques jours, dans trois jours précisément.

Dans les différents cafés de Paris on devrait voir fleurir des tables ne possédant qu’une seule chaise. Une invitation à la solitude. Dans ce café, cela n’existe pas. Les gens seuls ne sont pas envisagés, il faut être deux ou plus pour se voir offrir le droit de boire un café en étant vivant. Un seul homme est comme moi, peut-être devrions-nous occuper une seule et même table ? Parce que le soleil débutait sa chute, il commençait à fondre au bout de mes doigts, laissant mon épiderme en proie au vent de Janvier. Voilà ce qui m'a conduite dans le premier café qui s'est présenté sur ma trajectoire pourtant bien calculée. Une forte odeur de nourriture m'enveloppe dès que la porte se referme derrière moi. On m'indique une table noyée dans un coin de la terrasse. Les prix ne sont pas sur la carte que l'homme en blanc laisse trainer sur la tablette en zinc. Par habitude c'est un grand café noir que je demande. Sans doute pour son côté réconfortant et familier. Mais leur café n’est pas bon. Et le serveur fortement pressé de vous le faire payer, cet ersatz de café. Aux alentours des tables rient, mais aucun ne se voit. Ordinateurs, tablettes, la naissance des êtres-objets, la présence rassurante d’une électrode qui chauffe remplace les regards et sourires enflammés. Des bulles incolores mais bien hermétiques nous enclavent ; personne ne pense à les percer, ce serait dépasser l’ordre social, se serait se hisser trop haut pour éviter une quelconque chute… Idiots nous attendons après des changements en tous genres. Mais ces changements nous effraient autant qu’ils nous séduisent. De la buée s'est formée sur les hautes vitres de la terrasse couverte. Être seule me donne l'occasion d'écouter autour de moi. Ces femmes qui sont parties il y a maintenant une dizaine de minutes parlaient bien trop fort pour ne pas désirer être observées. L’Afrique ceci, l’Europe cela, ce sont toujours les mêmes contrastes qui nous font nous insurger. Mais oublieraient-elles de voir à quel point le monde dans lequel la France nous plonge est beau ? Faire des malheurs de l’Afrique un symbole de vie heureuse, de valeurs pures est une erreur, une confusion des esprits occidentaux. Le jeune homme dans mon champ de vision est beau. À deux reprises il regarde dans ma direction, mais à quoi bon puisque notre rencontre s’arrête à ce furtif échange de regards. Il est temps que je parte. Ce café devient le lieu de toutes les divagations. Dressant mon regard vers l’homme en blanc je murmure « L’addition s’il vous plaît ! ». 

J'ai eu le temps de prévoir mon échec; de re-visualiser chacun de mes partiels de cette semaine et aucun ne vaut le coup, aucun ne me rend fière. J'attends les listes, de voir mon nom noyé parmis ceux des autres, tout ces autres -inconnus, ou connus pendant un temps- de constater l'échec, ou la réussite moyenne. Je resterai persuadée de l'aveuglement dont mes enseignants ont fait preuve si les chiffres sont hauts; il paraît que je souffre du syndrome de l'imposteur. Sans doute. Toujours est-il qu'un beau matin ils se réveilleront tous en réalisant que je ne suis pas ce génie auquel il m'associait. Déchue de son statut de zèbre - HPI ou EIP pour certains- je m'effacerai des mémoires en silence comme je sais si bien le faire. 

2 commentaires:

  1. L'imposture du génie.. C'est ce que je me dis à chaque fois que les enseignants croient en moi, en mes si belles capacités, et que lorsque la note tombe.. Surprise : je suis dans la masse, une note moyenne, une copie moyenne, pour une fille moyenne.
    Où est donc passée l'enfant surdouée ? L'ennui des années passées à dû l'enterrer puisqu'aujourd'hui nous ne voyons qu'une jeune fille "se reposant sur ses acquis" puisqu'elle ignore ce qu'est le travail, les révisions, et l'apprentissage..

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  2. J'ai tellement l'impression que tu écris sur moi - surtout la fin et la question de l'imposture. Je valide mes années de fac en histoire en ayant l'impression de n'y rien connaître.

    Et aussi, j'étais comme toi, avant. L'enfant que l'on félicitait, que l'on admirait. Mais maintenant, que me reste-t-il ? J'ai cherché à tout effacer de l'enfant "hors norme" que j'étais - mais désormais, je me fonds parmi la masse et je me déçois un peu plus chaque jour.

    Mais fréquenter les cafés parisiens, c'est le bien - fais toi accompagner, c'est encore mieux :)

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